Un point sur les APC - Articles processing charges

Aujourd'hui le modèle économique des APC (Articles processing charges = frais de publication) se développe de plus en plus notamment à l'initiative des éditeurs privés, et cela y compris pour les SHS avec par exemple les initiatives de Sage ou Cambridge. Dans ce modèle les institutions publiques paient donc  des frais de publications pour que les articles de leurs chercheurs soient diffusés en libre accès dans des revues ouvertes.

Avec ce développement des APC plusieurs types questions se posent. D'abord éthique bien sûr autour de l'égalité de l'accès à la publication ou sur le double paiement qu'implique les revues hybrides (à la fois avec des articles en accès libre avec APC et des articles en accès payant sous abonnement). Mais d'autres questions émergent autour de la validité du modèle économique lui-même et de ces modalités financières. En gros qui paie, combien et pour quoi, qu'est-ce que cela représente notamment par rapport au budget des bibliothèques et des abonnements, avec en toile de fond l'interrogation sur le glissement possible du budget abonnement vers ces "frais de publication" en amont.

Voici quelques lectures pour vous aider à faire le point sur ce sujet

1 - L’université de Californie de Davis et la California Digital Library, associées aux bibliothèques de l’université de Harvard, celle de l’université d’État de l’Ohio et celle de l’université de la Colombie-Britannique, viennent de rendre public le rapport final Pay It Forward : Investigating a Sustainable Model of Open Access Article Processing Charges for Large North American Research Institutions. L’étude apporte un nouvel éclairage sur la viabilité du modèle économique de la voie dorée avec frais de publication (APC), pour augmenter les publications scientifiques librement accessibles et passer du modèle abonnement à celui des APC. Les données recueillies concernent les institutions de recherche étasuniennes.
Trois conclusions principales sont tirées de cette analyse :

  • pour les institutions produisant le plus, les coûts des APC dépassent les budgets actuels des bibliothèques consacrés aux revues ;
  • la différence peut être couverte par les subventions, qui sont déjà une source importante de financement ;
  • les auteurs ont un rôle à jouer à travers les subventions de provenance diverses qu’ils reçoivent.

http://openaccess.inist.fr/?Viabilite-financiere-du-modele-APC

2 -  Walt Crawford publie un ouvrage Gold Open Access Journals 2011-2015 dans lequel il analyse les revues dorées signalées par le DOAJ au 31 décembre 2015. L’auteur a exclu des revues qui ne répondaient pas à certains critères comme pouvoir accéder à la page d’accueil de la revue, obtenir les coûts des frais de publication et le nombre d’articles pour les années de 2011 à 2015. Les revues hybrides et celles pratiquant des embargos sont également écartées de l’étude. Walt Crawford a ainsi analysé 10 324 revues. Il montre notamment que la part des revues demandant des frais de publication a doublé pendant les cinq ans. Pour lui, la séparation la plus considérable se situe entre ce qu’il appelle le APCLand et l’OAWorld. En 2015, le premier compte 11 éditeurs pour 14 % des revues et 29 % des articles, mais 74 % des recettes APC. Contrastant avec le second avec plus de 5 000 éditeurs représentant 86 % des revues, 71 % des articles, mais 26 % des recettes. http://openaccess.inist.fr/?Etude-des-revues-du-DOAJ

3 - Le Conseil scientifique de l’institut des mathématiques (INSMI) du CNRS a adopté, le 15 juin 2016, des recommandations en faveur du libre accès, concernant la publication et le dépôt des articles des chercheurs de l’institut : http://www.cnrs.fr/comitenational/doc/recommandations/2016/Recommandation-csi-INSMI-au-sujet-des-frais-de-publication-%28APC%29.pdf
Le Conseil scientifique de l'INSMI recommande aux chercheurs et enseignants-chercheurs des sciences mathématiques, lors de la publication de leurs articles,  de ne pas choisir les options qui imposent un paiement pour que les articles soient en accès libre ("Open Access") et surtout, par dessus tout, lorsqu'il s'agit de revues "hybrides". Nous rappelons qu'il est possible de rendre publiques les versions préliminaires des articles sur des plates-formes comme HAL et arXiv et que la future "Loi pour une République Numérique" fixera les conditions permettant de déposer les versions finales avant publication sur ces plates-formes. En conséquence, nous recommandons de ne pas intégrer de tels frais dans les demandes de financements lorsque celles-ci en offrent la possibilité

4 -  Le texte général de la DIST-CNRS "Financer la publication scientifique - Le « Lecteur » et/ou « l’Auteur »? - Evolutions, Alternatives  Observations de la DIST : http://www.cnrs.fr/dist/z-outils/documents/Distinfo2/DISTetude3_09.2016-final.pdf

La question de l’économie des APC va, dans les mois et les années qui viennent, être le noeud du débat sur l’Open Access. Parce que le CNRS est le premier organisme de recherche mondial par le nombre de publications que signent ses chercheurs, l’impact financier d’un développement – voulu par les éditeurs – du modèle « hybride » d’Open Access pourrait être problématique, alors même que cette option renforcerait significativement les positions concurrentielles des très grands éditeurs « for profit » et le modèle hybride, au détriment des « pure players » de l’édition scientifique en Gold OA qui pourtant ont introduit une compétition nouvelle en proposant des niveaux d’APC "raisonnables".
Les solutions à proposer : Un « position paper » à destination des Unités de recherche cadrant les éléments de ce débat et rappelant :

  • que la voie verte (et en particulier le dépôt dans HAL) est la voie à privilégier pour partager au mieux et au moindre coût les connaissances,
  • que l’option « Open choice » permettant à un chercheur de publier en OA dans une revue sur abonnement (modèle hybride) ne doit pas être privilégiée : si un article est accepté dans une revue sur abonnement (tout particulièrement dans les revues d’excellence) c’est le mécanisme de l’abonnement, qui a vocation à perdurer de nombreuses années, qui assurera, au frais de l’éditeur, les coûts de la publication. La publication du chercheur CNRS aura de toute façon vocation à basculer dans le libre accès par dépôt dans une archive ouverte au terme d’un embargo de 12 mois,
  • que les unités pourront prochainement intégrer dans leurs outils de gestion financière les nouveaux postes de nomenclature qui permettront d’avoir une vision partagée et consolidée des volumes d’APC .

Un projet de guide pour les chercheurs est préparé dans ce sens.

5- La position Eprist sur le couplage APC et négociations des abonnements : Les responsables IST des organismes de recherche, réunis au sein de l’Association EPRIST ont adressée le 9 avril 2015 à Monsieur Jean-Pierre Finance, Président de Couperin.org une note présentant la  position des responsables IST des organismes de recherche français (EPST, EPIC, Fondations) sur une éventuelle négociation avec l’éditeur Springer intégrant les frais de publication en libre accès (APC) : http://www.eprist.fr/wp-content/uploads/2015/12/Note-EPRIST_APC-avril-2015.pdf

Les membres d’EPRIST ont manifesté leur désaccord relatif au couplage des APC avec les abonnements lors des négociations avec Springer en particulier dans un courrier Eprist Couperin au Président de Couperin.org. Dans celui-ci, ils rappellent que les organismes de recherche sont opposés de principe au couplage APC revues hybrides-abonnements. Ils attirent également l’attention sur le changement apporté par l’adoption de la loi « Pour une république numérique » et particulièrement de l’article30

6 - Dans une déclaration commune, l’UNESCO et l’association COAR mettent en garde les gouvernements et la communauté des chercheurs vis-à-vis du changement de modèle de la publication scientifique — de l’abonnement vers le libre accès avec frais de publication — de plus en plus promu par des institutions. Pour l’UNESCO et COAR, un certain nombre de points doivent être examinés :

  • prendre en compte les institutions qui ont des petits budgets et les pays en développement
  • éviter toute nouvelle concentration dans l’industrie internationale de l’édition
  • étudier de nouvelles voies pour réduire les coûts.

http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CI/CI/pdf/news/coar_unesco_oa_statement.pdf.

7 - Des informations, des chiffres et des études sur le coût effectif des APC et parfois des abonnements

  • L’appel allemand pour la transparence des coûts des APC : Cette transparence est considérée comme nécessaire dans un contexte de transition du modèle d’abonnement vers celui du libre accès, pour analyser et comparer l’évolution des coûts et pour ainsi favoriser l’établissement d’une concurrence sur le marché de la publication. On devrait en particulier éviter les clauses de confidentialité dans les négociations contractuelles concernant les APC : http://openaccess.inist.fr/?Transparence-des-paiements-d-APC
  • L’initiative Open APC permet d’agréger ces types de données et de les rendre consultables et lisibles par machine (sous forme d’open data). Open APC est intégré dans le projet INTACT, qui vise plus généralement la mise en place d’une infrastructure pour accompagner la gestion des APC.
  • Basée sur les données rendues disponibles dans le cadre de l’initiative Open APC, une étude allemande analyse les frais de publication supportés, sur la période 2005 - 2015 et pour un total de 7 417 articles, par 30 grandes institutions – universités et organismes de recherche – participant à l’initiative. Les chiffres sur les coûts par article (moyenne de 1 298 €, médiane de 1 231 €) sont proches de ceux obtenus lors d’études semblables faites dans d’autres contextes
  • Coûts des APC et des abonnements au Royaume-Uni : Un nouveau rapport du Jisc fournit des détails sur les dépenses des établissements d’enseignement supérieur du Royaume-Uni, en termes de frais de publication (APC) et coûts d’abonnement. Les résultats sont basés sur des données entre 2013 et 2015, avec une analyse fine de la situation entre août 2014 et juillet 2015, période sur laquelle les chiffres sont considérés comme très complets - http://openaccess.inist.fr/?Couts-d-APC-et-d-abonnements-au
  • Le site EPRIST met en ligne une analyse réalisée à partir de l'étude du JISC, qui « dresse un premier bilan des accords de couplage « abonnements/APC » signés par le consortium britannique avec 5 éditeurs scientifiques importants (Wiley, Taylor & Francis, Sage, Institute of Physics, Royal Society of Chemistry). Les premiers constats qui se dégagent de cette évaluation des accords couplés sont inquiétants : ce mécanisme encourage la publication en revues hybrides, ne réduit en rien les dépenses d’abonnements, ne contient que très partiellement la progression de la dépense « abonnements + APC », se révèle en pratique d’une grande complexité.
  • Pour 2014-2015, les six agences de financement regroupées dans le Charity Open Access Fund (COAF) ont dépensé environ 5 millions de livres (augmentation de 14 % par rapport à la période précédente) pour 2 942 articles (augmentation de 15 %). La moyenne des frais par article s’élève à 1 914 livres, montrant une hausse de 4 % : http://openaccess.inist.fr/?Les-APC-depenses-par-COAF-pour-la
  • Des données sur le coût des abonnements publiées dans le cadre de "The cost of subscription publishing" : http://theinformed.org.uk/2014/09/the-cost-of-subscription-publishing/