Archives ouvertes et licences Creative Commons : des synergies à conforter - Lionel Maurel

A lire absolument le texte de Lionel Maurel écrit à l'issu de son intervention lors de la journée des 10 ans de HAL-SHS. Cette synthèse complète et claire permet à la fois de faire le point sur les arguments pour l'utilisation des licence creative commons et de débusquer les idées fausses!

Cet article est diffusé en creative commons sur son blog : http://scinfolex.com/2016/01/19/archives-ouvertes-et-licences-creative-commons-des-synergies-a-conforter/

Voici quelques passages importants :

Les Creative Commons ne constituent pas un renoncement au droit d’auteur

On entend parfois que les auteurs qui choisissent de diffuser leurs oeuvres sous Creative Commons « renoncent » à leur droit d’auteur. C’est complètement inexact. Les licences Creative Commons constituent un moyen parmi d’autres pour les créateurs d’exercer leur droit d’auteur, qui doit être compris comme une faculté d’autoriser autant que d’interdire. Avec une licence CC, le créateur fait ainsi connaître de manière publique son intention d’autoriser la réutilisation de son oeuvre en exerçant son droit d’auteur.

Toutes les licences Creative Commons permettent la reproduction et la rediffusion des oeuvres (y compris en ligne). Mais l’auteur garde la faculté de maintenir des conditions à la réutilisation en sélectionnait certaines des options proposées par les licences (NC=pas d’usage commercial, ND=pas de modification, SA= partage à l’identique). Ces restrictions maintenues par le créateur trouvent pleinement leur fondement dans le droit d’auteur.

Par ailleurs, il ne saurait être question de « renoncement » dans la mesure où les licences Creative Commons prévoient explicitement que les auteurs ont la faculté de modifier leur choix pour changer de licence ou refaire passer leurs créations sous un régime classique « Tous droits réservés ». Dans le cas où ils choisissent d’opter pour un régime de réutilisaion plus restrictif, ils ne peuvent cependant remettre en cause les réutilisations effectuées de bonne foi sous la licence précédente, ce qui est logique pour préserver la sécurité juridique. En revanche à l’avenir, les utilisateurs seront bien obligés de respecter les nouvelles conditions retenues par l’auteur.

Les Creative Commons sont valides juridiquement et opposables en justice

Les Creative Commons constituent des contrats de droit d’auteur, par lesquels l’auteur et les réutilisateurs de l’oeuvre se reconnaissent des droits et obligations respectifs, variables selon les licences retenues. Le Code de propriété intellectuelle permet aux auteurs d’utiliser de tels procédés pour la diffusion de leurs créations, notamment par le biais de l’article L. 122-7-1 :

L’auteur est libre de mettre ses œuvres gratuitement à la disposition du public, sous réserve des droits des éventuels coauteurs et de ceux des tiers ainsi que dans le respect des conventions qu’il a conclues.

Il en résulte qu’en cas de violation des conditions posées par les licences, l’auteur a la faculté de s’en plaindre auprès du réutilisateur et de saisir la justice au cas où celui-ci refuserait d’obtempérer. Plusieurs affaires de ce type ont déjà été examinées par les tribunaux dans le monde, qui ont conclu à chaque fois à la validité des licences, y compris dans des pays comme l’Espagne, les Pays-Bas ou l’Allemagne aux systèmes juridiques proches de la France.

Une liste de cas où la validité des Creative Commons a été reconnue en justice

Aucun contentieux n’a jamais encore eu lieu en France au sujet de l’application d’une licence Creative Commons. Mais pour ceux qui douteraient encore de leur validité juridique, il suffit de faire remarquer que le propre site du Ministère de la Culture est placé sous CC-BY depuis 2014 !

Les Creative Commons ne constituent pas une incitation au plagiat

En aucune façon, les Creative Commons ne constituent une incitation au plagiat des travaux scientifiques et une oeuvre placée sous Creative Commons n’est pas plus facile à plagier que si elle était maintenue sous un régime « Tous droits réservés ».

En effet, toutes les licences Creative Commons imposent comme condition de respecter la paternité de l’auteur en cas de réutilisation (condition BY – Attribution). C’est une exigence imposée en France au titre de la protection du droit moral de l’auteur et les licences Creative Commons ne changent rien à cela. Au contraire, elles expriment formellement cette obligation de citer l’auteur original en cas de réutilisation. Dans le cas où un réutilisateur omettrait de mentionner la paternité de l’auteur ou – pire – remplacerait le nom de l’auteur par le sien, cet acte serait bien illégal et constituerait une violation de la licence, opposable au besoin en justice comme nous l’avons vu ci-dessus.

Les choses sont identiques en cas de modification des oeuvres. Lorsque l’auteur ne retient pas la condition ND (No Derivative = Pas de modification), il autorise les modifications et adaptations de son oeuvre. Mais lorsqu’un réutilisateur produit une telle modification, il reste obligé d’une part d’indiquer la source de l’oeuvre dont il s’est servi et d’autre part d’indiquer clairement que sa production constitue une oeuvre dérivée, distincte de l’oeuvre originale. Il ne doit pas y avoir de doutes quant à la nature de la nouvelle oeuvre et laisser penser par exemple qu’elle est le fruit de l’auteur original. Un peu comme c’est le cas en matière de citation, les licences CC imposent donc bien de faire la distinction entre la création originale et ses dérivés subséquents.

Une article placé sous Creative Commons dans une archive ouverte n’est donc en rien plus « facile » à plagier qu’un article laissé sous un régime « Tous droits réservés ».

Les Creative Commons sont compatibles avec une publication chez un éditeur commercial (et ce sera d’autant plus le cas à l’avenir). 

Les chercheurs concluent avec les éditeurs scientifiques des contrats par lesquels ils leur cèdent tout ou partie de leurs droits et cette problématique est centrale pour l’Open Access. Ces cessions peuvent empêcher ou retarder le dépôt en archive ouverte des articles, à l’issue d’une période variable d’embargo. On peut se demander – et on entend aussi dire parfois – que publier un article chez un éditeur commercial empêcherait ensuite la diffusion de l’article sous Creative Commons.

La vérité est plus nuancée. En effet, si l’auteur cède tous ses droits à l’éditeur, il est vrai qu’il n’a plus alors la faculté d’utiliser de son côté une licence Creative Commons (mais il ne pourra alors pas non plus déposer son article dans une archive ouverte de toutes façons). Lorsque l’éditeur accepte le dépôt d’une version de l’article en archive ouverte, il assortit généralement cette autorisation de conditions. Pendant longtemps, il a donc été préférable de faire explicitement figurer dans le contrat d’édition la possibilité pour l’auteur d’utiliser une licence Creative Commons pour le dépôt en archive ouverte. Des modèles d’addendum aux contrats d’édition avaient même été produits pour faciliter pour les chercheurs cette négociation.

Avec la future loi numérique, les choses vont vraisemblablement s’avérer plus simples à l’avenir. La loi devrait en effet, à l’issue d’une période d’embargo (6 mois en Sciences dures, 12 mois en SHS), donner aux chercheurs le « droit de mettre à disposition gratuitement sous une forme numérique […] la version finale du manuscrit acceptée pour publication » à la condition que cette diffusion ne puisse donner lieu « à une activité d’édition à caractère commercial« .

On en déduit donc que par défaut les chercheurs pourront utiliser sans avoir à revenir vers leur éditeurs les licences Creative Commons comportant la clause NC (Pas d’usage commercial), type BY-NC, BY-NC-SA ou BY-NC-ND. Ce n’est que s’ils souhaitent pouvoir employer une licence plus ouverte (BY, BY-SA) qu’il sera nécessaire que ce soit explicitement mentionné dans le contrat d’édition.

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