Cour de justice de l’Union européenne, Communiqué de presse n° 78/14, Luxembourg, le 5 juin 2014
Conclusions de l'avocat général dans l'affaire C-117/13 Technische Universität Darmstadt / Eugen Ulmer KG.
Selon l’avocat général Niilo Jääskinen, un État membre peut autoriser les bibliothèques à numériser, sans l’accord des titulaires de droits, des livres qu’elles détiennent dans leur collection pour les proposer sur des postes de lecture électronique
Si la directive sur le droit d’auteur ne permet pas aux États membres d’autoriser les utilisateurs à stocker sur une clé USB le livre numérisé par la bibliothèque, elle ne s’oppose pas, en principe, à une impression du livre à titre de copie privée
En vertu de la directive sur le droit d’auteur1, les États membres doivent accorder aux auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction et la communication au public de leurs oeuvres. Toutefois, la directive permet aux États membres de prévoir certaines exceptions ou limitations à ce droit. Une telle faculté existe notamment pour les bibliothèques accessibles au public2 qui, à des fins de recherches ou d’études privées, mettent des oeuvres de leur collection à la disposition des utilisateurs au moyen de terminaux spécialisés3. Dans la présente affaire, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice d’Allemagne) demande à la Cour de justice de préciser la portée de cette faculté dont l’Allemagne a fait usage.
Le Bundesgerichtshof doit trancher un litige opposant l’université technique de Darmstadt (Technische Universität Darmstadt) à une maison d’édition allemande, Eugen Ulmer KG4. La maison d’édition cherche à empêcher (i) que l’université numérise un livre qu’elle détient dans son fonds bibliothécaire et qui est édité par Eugen Ulmer5 et (ii) que des usagers de la bibliothèque puissent, à partir de postes de lecture électronique aménagés dans celle-ci, imprimer le livre ou le stocker sur une clé USB et/ou emporter ces reproductions hors de la bibliothèque. L’université a en effet numérisé le livre en question et l’a proposé sur ses postes de lecture électronique6. Elle a refusé l’offre de la maison d’édition d’acquérir et d’utiliser sous forme de livres électroniques (« E-books ») les manuels édités par cette dernière.
Dans ses conclusions de ce jour, l’avocat général Niilo Jääskinen estime tout d’abord que, même si le titulaire de droits offre à une bibliothèque de conclure à des conditions adéquates des contrats de licence d’utilisation de son oeuvre, la bibliothèque peut se prévaloir de l’exception prévue au profit des terminaux spécialisés7. Selon M. Jääskinen, ce n’est que lorsqu’un tel contrat a déjà été conclu que la bibliothèque ne peut plus se prévaloir de cette exception.
Ensuite, l’avocat général conclut que la directive ne s’oppose pas à ce que les États membres accordent aux bibliothèques le droit de numériser les oeuvres de leur collection, si la mise à disposition du public au moyen de terminaux spécialisés le requiert. Tel peut être le cas lorsqu’il convient de protéger des originaux d’oeuvres qui, tout en étant encore couvertes par le droit d’auteur, sont anciennes, fragiles ou rares. Tel peut également être le cas lorsque l’ouvrage concerné est consulté par un grand nombre d’étudiants et que les copies risqueraient de provoquer une usure disproportionnée.
M. Jääskinen précise toutefois que la directive permet non pas une numérisation globale d’une collection, mais uniquement une numérisation d’oeuvres individuelles. Il convient notamment de ne pas recourir à la possibilité d’utiliser des terminaux spécialisés lorsque cela a pour seul but d’éviter l’achat d’un nombre suffisant de copies physiques de l’ouvrage.